Le Fonds pour la formation professionnelle des artistes-auteurs a 10 ans
Le fonds pour la formation professionnelle des artistes-auteurs a 10 ans ! À cette occasion, l’Afdas qui héberge ce Fonds et qui est notre OPCO, a organisé en novembre 2023 une grande célébration à la Fémis. Au menu de cet évènement, 2 tables rondes : une sur l’histoire de la création du Fonds et une autre sur son avenir, des témoignages et une présentation de chiffres très intéressants que nous allons vous donner ci-dessous.
Sachez que la table ronde sur l’histoire de la création du Fonds a été tellement passionnante que nous avons décidé d’aller plus loin (les intervenants n’ayant eu chacun que 4 minutes pour raconter leur expérience durant cette partie de la soirée) et d’interroger 4 de ces intervenants plus longuement, mais nous avons recueilli aussi d’autres témoignages et rassemblé des documents afin de donner le point de vue d’un représentant de l’état, celui de la Directrice de l’Afdas de l’époque, d’un membre d’organisation professionnelle qui a été très active dans ce combat et enfin d’un particulier qui a dédié une grande partie de sa vie professionnelle à la formation des auteurs. Nous vous présenterons tout cela dans un prochain article en 2 parties.
Petit rappel
Le Fonds de financement des formations des artistes-auteurs n’existe que depuis 2013. Il est piloté par un Conseil de Gestion composé d’organisations professionnelles d’auteurs (malheureusement, l’Upad n’en fait pas-encore- partie), d’organisations de diffuseurs et d’organismes de gestion collective (dont la Sacem et la Scam pour ceux qui nous concernent). Les auteurs peuvent donc bénéficier d’un financement de leur formation dès lors qu’ils justifient :
soit sur les 3 dernières années (hors année en cours) des droits d’auteur cumulés d’un montant minimum de 600xle Smic horaire brut
soit sur les 5 dernières années (hors année en cours) des droits d’auteur cumulés d’un montant minimum de 900X le Smic horaire brut
Nous entendons souvent certains de nos collègues et/ou nos adhérents regretter de ne pas pouvoir faire de formation avec des arguments tels que « il n’y a pas de formation sur le doublage » ou « je travaille depuis plus de 10 ans, je n’ai pas besoin de me former ». Et nous ne cessons de leur faire valoir qu’il n’y a pas que des formations sur le doublage qui pourraient les intéresser. Sachez qu’il existe plusieurs types de formation qui peuvent être financées quand on est auteur de doublage :
Les formations « cœur de métier » (celles dont vous avez besoin pour exercer votre activité) : en effet, il n’existe pas ou peu de formation sur le doublage même mais la Commission cinéma et audiovisuel de l’Afdas dans laquelle siège un membre du bureau de l’Upad examine souvent des demandes pour des formations pour les comédiens leur apprenant à poser leur voix sur des dialogues de doublage. Cela peut servir aussi visiblement à l’auteur de ces dialogues pour l’aider à les rendre plus fluides.
Les formations « intercatégorie » : vous pouvez faire une formation relevant d’une autre activité d’artiste-auteur : par exemple, vous voulez apprendre à écrire des chansons. Cela peut vous aider quand une société de production vous demande de traduire le générique d’un film ou d’un dessin animé.
Les formations « transversales » : ce sont des formations qui peuvent servir à toutes les catégories d’auteur comme le droit, la comptabilité, l’usage des réseaux sociaux mais aussi imaginons que vous voulez créer un site internet pour vous présenter et afficher votre catalogue d’œuvres. Vous pourrez faire alors une formation de wordpress et / ou de photoshop par exemple.
Les « reconversions pures » (vous voulez arrêter définitivement votre métier d’auteur de doublage pour devenir boulanger par exemple) ou ce que l’on appelle les « activités complémentaires » (vous voulez continuer à faire du doublage mais vous n’arrivez plus à en vivre et vous voulez faire une autre activité à côté) sont aussi financées par le Fonds (sous certaines conditions).
Actuellement, 75% des formations sont « cœur de métier », 22% « transversales » et 3% des reconversions ou des activités complémentaires.
En 2024, un auteur/une autrice a une enveloppe annuelle de 5 600€ pour se former dans la limite de 60€/h pour les formations « métier » et 40€/h pour les formations « transversales » et dans la limite des budgets disponibles bien sûr.
Quelques chiffres présentés lors de cette soirée
Les actions :
42 132 actions de formation ont été financées depuis 10 ans pour un montant total de 84,89 millions d’euros et jusqu’à 5 000 actions de formation par an (moyenne de 2016, 2017 et 2018).
La crise Covid a eu un impact sur le recours au Fonds en 2020 avec une chute de 30% par rapport à 2019. En 2021, le recours au Fonds repart à la hausse mais sans atteindre encore le niveau de 2019.
Entre 2015 et 2022, 14 688 auteurs différents ont pu bénéficier d’au moins une de ces actions de développement des compétences depuis 2013. Dès 2013, ils étaient déjà 1 144 et plus du double l’année suivante.
Qui sont les auteurs/autrices accompagné(e)s ?
Les métiers :
La féminisation :
Chaque année depuis 2013, les femmes sont plus nombreuses à se former que les hommes et cette féminisation s’est légèrement accrue au fil des ans, avec des exceptions pour les métiers de la musique, de la chorégraphie ou de la photographie où la majorité des bénéficiaires sont des hommes.
La diversité géographique :
En 2013, plus de 68% des bénéficiaires résidaient en Ile de France et 31% en région.
En 2022 :
Les prospectives
Dans la 2ème table ronde, Pascale Fabre (Scam) qui représentait les OGC présentes au Conseil de Gestion a très bien expliqué la problématique sur laquelle il faut encore travaillé. Nous reproduisons ici son intervention :
« Comment se projeter vers l’avenir et améliorer le Fonds ? J’ai surtout envie de parler d’accès à la formation car si 15 000, le nombre de bénéficiaires depuis le début du démarrage, ça parait beaucoup, sans doute que l’on peut faire mieux et permettre à plus d’auteurs d’accéder à ce fonds et aux primo accédants en particulier.
Si on se réfère aux statistiques et au nombre d’artistes-auteurs, on peut dire qu’ils sont nombreux, 260 000 cotisants. Mais tous ces cotisants n’accèderont pas au Fonds car ils ne remplissent pas les conditions d’accès. Si on se réfère aux ex-affiliés de l’Agessa et de la MDA, il y en a 46 000 en 2018. Cela veut dire qu’en regardant le taux d’accès à la formation des auteurs (3000 auteurs/an), on est sur des taux d’accès de 6% à peu près, alors que chez les salariés, on est à 40% en moyenne.
On n’arrivera sans doute jamais à ces taux d’accès mais on peut améliorer les choses pour amener de plus en plus les auteurs à s’approprier cet outil qui peut développer notre activité professionnelle, améliorer nos compétences, de découvrir d’autres pratiques artistiques.
Cela passe par la communication bien sûr (là-dessus on s’est beaucoup améliorés) mais ça passe aussi sur s’interroger sur les freins à la formation des auteurs. Pourquoi les auteurs ne s’emparent pas plus largement de ces outils ? Et c’est dans cette perspective là que l’on s’est dit qu’on allait construire un questionnaire pour interroger les auteurs sur les freins éventuels : méconnaissance de l’Afdas, conditions d’accès, temps de formation qui peut s’insérer difficilement dans un calendrier de création. On espère que ce questionnaire nous permettra de mieux connaître le profil des auteurs, leurs attentes par rapport à la formation et d’amener aussi peut-être des professionnels qui vont moins vers ce Fonds (voir la statistique sur les professions qui profitent du fonds, ce sont surtout les graphistes et les photographes qui en profitent) : il y a une grande inégalité suivant les métiers. Comment toucher les professions qui n’en profitent pas.
On s’est demandé aussi si ceux qui consommaient de la formation avaient suivi une formation initiale. Cela peut être aussi un des axes.
On espère que tous ces outils nous permettront de construire aussi des offres de formation plus adaptées, qui amènent plus d’auteurs à la formation.
Un dernier point, il faut donner de la visibilité à l’offre de formation et on s’aperçoit aujourd’hui que les auteurs ont peut-être plus de mal à voir quelles formations s’offrent à eux. Le Fonds a dû s’adapter à une contrainte externe que sont les règles de la commande publique et du coup, aujourd’hui, on ne peut présenter sur le site de l’Afdas que les offres dites collectives, c’est-à-dire celles des offres de formation des organismes qui ont répondu à un appel d’offres. Et bien évidemment cette moindre visibilité a sans doute aussi un impact sur la visibilité de l’offre de formation et des parcours auxquels les auteurs pourraient accéder. Comment dépasser cette contrainte-là pour redonner de la visibilité à l’offre de formation, en amener d’autres.
Il y a quelque chose qui m’a interpelée dans les témoignages que nous avons eu tout à l’heure : quelqu’un a dit « c’est important de connaitre son environnement et ses droits sociaux. » Peut-être qu’il faut réfléchir aussi à ça : les auteurs ne sont pas forcément accompagnés dans la connaissance du droit d’auteur, des droits sociaux et de leur droit à la formation professionnelle continue et cela devrait faire partie d’un minimum de connaissances que l’on devrait avoir dès lors qu’on exerce une profession. C’est important de connaitre l’environnement dans lequel on intervient. »