Genèse de la création du Fonds de formation des Artistes Auteurs – Introduction, Chapitres 1 et 2
(Notre site internet ne nous permettant pas de publier tout le rapport en un seul article, nous avons été obligés de le fragmenter. Néanmoins, n’hésitez pas à nous contacter via le formulaire de contact du site si vous voulez que l’on vous envoie le rapport complet ainsi que les documents de référence en annexe en PDF, nous le ferons volontiers.)
Introduction
À l’occasion des dix ans du Fonds de formation des artistes-auteurs, l’Afdas a organisé le 23 novembre 2023 à la Fémis une célébration passionnante, avec une première table ronde sur la genèse de la création du Fonds de formation des Artistes Auteurs, des témoignages, des statistiques et une seconde table ronde sur les projets futurs et les prospectives.
Si toute la soirée a été intéressante, la partie sur l’histoire peu connue de la création du Fonds nous a semblé tellement captivante que nous avons décidé d’approfondir ce qui a été dit durant les interventions.
Katerine Louineau, Présidente actuelle du Fonds des Artistes Auteurs et membre du bureau du CAAP (Comité Artistes Auteurs Plasticiens), a déclaré durant sa première intervention : « […] C’est une étape importante dans ce que l’on pourrait appeler la construction d’une culture commune des artistes auteurs. Nous créons tous des œuvres protégées par le code de la propriété intellectuelle. S’agissant de nos droits, ce qui nous est commun, est plus important que ce qui nous différencie. Seule la solidarité peut nous permettre d’acquérir de nouveaux droits, comme cela a été le cas justement pour la création de ce fonds qui gère notre droit à la formation continue. La diversité de nos métiers n’est pas une faiblesse, c’est une richesse au contraire ! »
Nous allons donc vous présenter comment le Fonds de formation des Artistes Auteurs a pu finalement être mis en place après plusieurs décennies d’échecs et de tâtonnements, et ce, sous plusieurs angles : dans une première partie, du point de vue d’un membre du Ministère de la Culture et de celui de la Directrice Générale de l’Afdas de 1998 à 2013; puis dans une deuxième partie, le point de vue de plusieurs organisations professionnelles ayant participé à toutes les négociations, et enfin celui d’un auteur impliqué à titre personnel dans le domaine de la formation.
Mais avant, quelques chiffres :
Entre 2013 et 2022, Le Fonds de formation des Artistes Auteurs a financé 42 132 actions de développement des compétences pour un montant total engagé de 84,89 millions d’euros.
Entre 2015 et 2022, 14 688 artistes auteurs ont bénéficié d’au moins une formation financée. Dès 2013, ils étaient déjà 1 144 et plus du double l’année suivante.
Après les deux premières années, le Fonds a financé en moyenne 5 000 actions de formation par an. La Crise Covid a eu un impact avec une chute de 30% du nombre de formations financées mais en 2024, le recours au Fonds a retrouvé le niveau de 2019.
Les bénéficiaires de ces financement exercent leur profession à 55,2% dans les arts plastiques et graphiques, à14,8% dans la photographie, 15,5% dans le cinéma et l’audiovisuel, 10% dans l’écrit et les arts dramatiques et 4,5% dans la musique et la chorégraphie. En 2022, 62,6% des bénéficiaires sont des femmes. Et si en 2013, la majorité des bénéficiaires résidaient en Ile-de-France, en 2022, 50,3% sont franciliens et 49,7% habitent en région.
(Source : Flyer Afdas)
Chapitre 1 :
La genèse de la création du Fonds de formation des Artistes Auteurs du point de vue de l’Administration avec Pascal Murgier (aujourd’hui Chargé de mission pour les écoles supérieures d’art et de design au Ministère de la culture)
(Cette partie est une synthèse de l’intervention de M. Murgier durant la table-ronde et de l’entretien qu’il a nous a gentiment accordé ultérieurement.)
» C’est un dixième anniversaire, cela aurait pu être un trentième anniversaire si les artistes auteurs étaient entrés avec tout le monde en 1992. C’est une énigme pour les historiens ou les archivistes : Pourquoi n’est-ce pas arrivé plus tôt ? »
Historiquement en France, en matière de dispositifs sociaux, nous nous occupons en premier des salariés, puis des indépendants et enfin des artistes auteurs. C’est ce qui est arrivé notamment pour la Sécurité Sociale. (Nous vous conseillons de lire à ce sujet l’excellente note rédigée par Pascal Murgier que vous trouverez à la fin de ce chapitre).
» Le problème des artistes auteurs tient dans sa particularité : juridiquement, ils sont indépendants. Mais, dans les années 60, André Malraux, alors Ministre de la Culture de Charles de Gaulle, accomplit un coup politique extraordinaire en faisant rentrer les artistes auteurs dans le régime général des salariés via la Sécurité Sociale, sans attendre que les indépendants y soient déjà. »
Cette réforme de la Sécurité sociale se passe en parallèle de la discussion sur le financement de la formation professionnelle continue.
Le 16 juillet 1971 est votée la loi Delors, texte fondateur du sujet, qui définit le principe de la formation professionnelle continue mais qui exclut les professions indépendantes.
Le 31 décembre 1991, soit 20 ans plus tard, est votée la loi généralisant l’obligation de financer la formation professionnelle aux non-salariés. Et comme on pouvait le craindre, alors même que cette loi affirme le droit à la formation pour tous, on « oublie » encore une fois les artistes auteurs.
« À ce moment-là, même si un certain nombre d’artistes auteurs commence à revendiquer cette extension du droit social sur la formation, d’autres sujets monopolisent l’ordre du jour, d’autant plus que Jack Lang, alors Ministre de la Culture pour la deuxième fois sous François Mitterrand, s’intéresse plus au sort des artistes du spectacle qu’aux auteurs. C’est Jacques Toubon, lors du retour de la droite au pouvoir, qui va porter la défense des artistes auteurs. Mais pas sur la question de la formation. Il y a d’autres sujets qui encombrent alors le devant de la scène. Ainsi, à cette époque-là, la question du financement de la formation des artistes auteurs n’est pas vraiment posée par la politique publique. Elle le sera plus tard quand elle sera pressée par les revendications des organisations professionnelles. Ces années-là, on n’est pas allé jusqu’au bout, alors que tout le monde bénéficie de la formation, sauf la population un petit peu étrange qui n’y est pas. Même si elle peut le faire par le biais de ses autres activités. Quand un artiste auteur a une double activité, il a un accès à la formation et d’une certaine manière, tout le monde doit se dire, au moins dans l’administration, que ce n’est pas si grave, et puis c’est un peu compliqué tout ça, on verra etc… »
Lors de la table-ronde à la Fémis, Pascal Murgier a cité une réponse d’Élizabeth Guigou, alors Ministre de l’Emploi et de la Solidarité à Catherine Tasca, sa collègue Ministre de la Culture, en date du 2 juillet 2001. Dans ce courrier, le Ministère fonde sa réflexion sur le fait que les artistes auteurs sont habituellement rattachés au régime général des salariés et qu’il faut donc trouver l’équivalent de la contribution patronale pour définir les bases d’un éventuel système de financement. Sachant que dans le régime salarié, c’est l’employeur qui paye. Élizabeth Guigou déclare ainsi : » Il me semble nécessaire de vérifier au préalable, si au-delà des revendications qu’ont pu formuler telle ou telle organisation professionnelle, une réelle demande de formation se manifeste chez de nombreux artistes auteurs, eu égard notamment aux spécificités de leur activité, sachant que l’assujettissement à une contribution ne peut se justifier que si les sommes recouvrées sont consommées significativement et conformément à leur objet. »
Il est donc clair qu’en 2001, nous sommes dans une impasse ; le Ministère du travail ne veut pas s’embarrasser de cette question. Pascal Murgier explique cette réticence par une forte opposition commençant à se faire sentir. En effet, les diffuseurs refusent de payer la moindre cotisation et de prendre le « rôle » des employeurs, avec pour argument que les artistes auteurs sont des indépendants et n’ont donc pas d’employeurs.
Comme le dit très bien Pascal Murgier : on a déjà perdu dix ans.
En décembre 2002, plusieurs organisations professionnelles obtiennent néanmoins une réunion avec le Ministère de la culture (sous Jean-Jacques Aillagon) ainsi que celui du Travail et des Affaires sociales (sous François Fillon). Malheureusement, cette réunion n’aboutit sur rien pour plusieurs raisons assez claires :
L’Administration a un doute sur les réels besoins de formation des auteurs (il faudrait recenser l’offre). Elle insiste sur le fait qu’il y a un gros désaccord entre artistes auteurs (sur de nombreux points que nous développerons dans le chapitre 3). Et enfin, les diffuseurs refusent de payer une quelconque cotisation supplémentaire, alors qu’ils participent déjà à la Sécurité Sociale des auteurs (1%).
Les cinq années suivantes vont pourtant être décisives car c’est cette réunion ratée qui va dynamiser à la fois les organisations professionnelles et les services administratifs.
Du côté des organisations professionnelles d’abord : en septembre 2007, plusieurs organisations professionnelles montent une plateforme et interpellent les 2 Ministères (travail et culture). Ce qui équivaut à envoyer comme message aux pouvoirs publics qu’elles ont enfin réussi à se mettre d’accord et que, par conséquent, l’Administration ne peut laisser le sujet de côté. Le premier argument de 2002 tombe. En 2008, la FRAAP (Fédération des Réseaux et Associations d’Artistes Plasticiens et plasticiennes) sort une enquête sur les besoins en formation des artistes auteurs. Le deuxième argument tombe.
« Il fallait absolument sortir du mythe du « créateur incréé » de Bourdieu selon lequel les auteurs n’ont pas besoin de formation parce que, soit ils ont du talent (et donc ils n’ont pas besoin de formation), soit ils n’en ont pas et ce ne sont pas des formations qui vont changer cet état de fait. »
Du côté des administrations : Quand Pascal Murgier arrive au Ministère de la culture en 2005, sa hiérarchie a toujours pour philosophie de dire qu’il faudrait développer la formation continue via les écoles d’art parce que cela permettrait de montrer qu’il y a des formations de bonne qualité. La situation s’active en 2006/2007 alors qu’au même moment, Pascal Murgier, qui représente le Ministère de la culture au Conseil d’Administration (CA) de la Maison Des Artistes (MDA), est nommé pour occuper le même siège au CA de l’Agessa, laissé vacant suite au départ à la retraite d’Annie Roigt.
» Certains de mes collègues fonctionnaires prennent également le sujet à cœur car il est compliqué. Il y a un vide juridique, ou plutôt un droit non effectif : il y a un droit mais il n’y a pas de matérialisation de ce droit dans un fonds. Un certain nombre d’acteurs (dans les services administratifs) étaient là en 2001/2002, la première fois où ça coince. En général, dans les administrations, on n’aime pas beaucoup l’échec, les anomalies etc… Des gens comme Stéphane Rémy du cabinet du Ministère du travail ou Claire Lamboley du cabinet de Christine Albanel, qui ont en mémoire l’échec de 2001, sont de nouveau à la manœuvre. Et Annie Roigt, avant de prendre sa retraite, m’a en quelque sorte transmis un testament afin que l’on sorte de cette histoire-là et que l’on mette en place un fonds de formation. D’autant plus que l’on est alors dans une fin de mandat de la droite. Les fins de mandat sont toujours très intéressantes car les gens se disent : » qu’est-ce qu’on va pouvoir léguer à nos successeurs ? « . Si ça ne marche pas, c’est eux qui essuieront les pots cassés et si ça marche, on pourra dire que c’est grâce à nous et ça joue aussi. »
C’est parce que toutes les planètes sont enfin alignées et tous les acteurs prêts à travailler ensemble que sous Frédéric Mitterrand, alors que Nicolas Sarkozy est Président de la République, se fait la commande d’un rapport à l’IGAC (Inspection Générale des Affaires Culturelles) le 26 août 2008 qui est publié un an plus tard. Ce que l’on demande alors aux deux rapporteurs (Serge Kancel et Gilles Butaud), c’est d’aller au-delà, d’expliquer la situation et de proposer des solutions acceptables par tous et qui, pour un certain nombre de points, aillent dans le sens de la logique et de la simplicité.
CHRONOLOGIE des dates-clé avec les différents gouvernements et Ministres de la Culture
Le rapport est rendu en décembre 2009 (consultable en fin de chapitre) et, en plus de créer un Fonds d’Assurance Formation (FAF) au bénéfice des artistes auteurs (avec pour objectif une collecte de 10 M€/an de cotisations) :
– définit un périmètre : la cotisation est obligatoire, non plafonnée et proportionnelle aux rémunérations pour les auteurs assujettis à la Sécurité Sociale et d’un montant de 0,45%. Traduction : c’est pour tout le monde et avec le même tarif pour tous !
– fixe une contribution des diffuseurs (ceux qui sont soumis au 1% de cotisation de Sécurité Sociale) : mais seulement à hauteur de 0,1%. Ce qui est presque symbolique. Et pourtant, cela a été compliqué à faire entendre aux galeristes et aux éditeurs. Mais il y a eu un tel mouvement que personne n’a voulu être à l’origine d’un échec et d’attendre encore dix ans.
– confie à l’organisme de Sécurité Sociale des artistes auteurs (Agessa et MDA à l’époque) la collecte des cotisations pour le compte de l’OPCA (Organisme Paritaire Collecteur Agréé, organisme chargé de collecter et de gérer les fonds de la formation professionnelle continue).
– confie à l’Afdas la gestion du Fonds et en donne la gouvernance à un conseil de gestion mixte.
– incite les sociétés d’auteurs (à l’époque, appelées SPRD-Sociétés de Perception et de Répartition des Droits), pas encore OGC-Organismes de Gestion Collective) à verser un abondement volontaire suite à une convention avec l’Afdas. C’est une autre concession (en plus de celle des diffuseurs), puisqu’on ne leur impose pas par la loi une contribution au Fonds de formation.
» En gros, on leur a dit (aux OGC) : « Vous faites comme vous voulez ». Ce qui était probablement politiquement la seule voie qui permettait de passer. Rappelons que de par la loi, dans le cadre du 25% copie privée, les sociétés d’auteurs sont obligées de financer des actions de formation. En off, dans les discussions que l’on pouvait avoir avec la SACD et la Sacem, on sentait bien qu’il y avait une pression des auteurs pour financer de la formation. Mais ce qui intéressait plus les sociétés d’auteurs, c’était de financer des expositions etc… C’est austère la formation. Et puis c’est technique. Alors que financer des évènements, c’est mieux. Et donc ça ne les amusait pas. Du coup, elles étaient plutôt pour le Fonds formation. Avec pour arrière-pensée de s’en dégager. Mais à partir du moment où le Fonds existait, d’une certaine manière, elles pouvaient se dire que c’était financé par ailleurs, donc elles n’avaient plus besoin de le faire. »
Voici un extrait du discours de Frédéric Mitterrand, Ministre de la Culture et de la Communication, prononcé à l’occasion du Conseil National des Professions du Spectacle (CNPS) le 17 juin 2010 :
» Je pense enfin à la formation continue, à laquelle nous portons collectivement beaucoup d’attention, et ce n’est pas Monsieur Jacques Legendre qui me contredira ! Cet enjeu crucial connaît aujourd’hui une actualité particulière. D’une part, nous inaugurons cet après-midi les nouveaux locaux de l’AFDAS, un organisme aussi dynamique qu’innovant. D’autre part c’est aussi aujourd’hui que vous est remis, dans le dossier de cette plénière, le rapport sur la formation continue des artistes auteurs, réalisé par l’inspection générale des Affaires Culturelles (IGAC), par Messieurs KANCEL et BUTAUD, en même temps qu’il est adressé aux autres acteurs concernés. Il s’agit d’un rapport important et que je sais très attendu, puisqu’il vise à remédier à une carence, celle qui fait que les artistes auteurs n’ont pas, aujourd’hui, la possibilité effective de bénéficier de droits à la formation continue. Le rapport émet un certain nombre de préconisations qui, certes, à ce stade, n’engagent que ses auteurs : la constitution d’un fonds « assurance formation » à partir de contributions des artistes auteurs, des diffuseurs et d’une participation des Sociétés de perception et de répartition des droits, et la gestion de ce fonds par un dispositif rattaché à l’AFDAS. »
Suite à la sortie du rapport, la loi du 28 décembre 2011, en un seul article, rajoute une disposition dans le Code du Travail :
Le 7 décembre 2012, est publié un décret du Conseil d’État puis le 25 janvier 2013, un arrêté du Ministère de la culture en 2013 (tous deux consultables en fin de chapitre), actant la création du Fonds de Formation des Artistes Auteurs. Ce Fonds n’est pas autonome selon le souhait du Ministère du travail. Il est hébergé par l’Afdas, importante organisation rodée pouvant éventuellement aider le nouveau Conseil de Gestion (CG) du Fonds en cas de problème, même le corriger ou le censurer, ce qu’il n’a jamais fait. Le Fonds a néanmoins une autonomie financière.
» Le terme même d’artiste auteur, avant le Fonds de formation, personne ne sait ce que c’est. C’est un machin dans le code de la Sécurité Sociale que personne ne va lire. Là, tout à coup, il y a un Fonds de formation ! Donc, ça a une existence. L’instauration du droit à la formation, c’est aussi faire exister quelque chose qui est une population, certes très hétérogène, à tout point de vue et qui en même temps a des intérêts communs. »
Documents consultables :
2016 : Histoire du régime des artistes auteurs par P. Murgier
2009 (Décembre) : Rapport Kancel-Butaud téléchargeable ici
2009 (Décembre) Synthèse Rapport Kancel Butaud
2012 (07/12) : Décret du 7 dec 2012 sur la formation des artistes auteurs
2013 (25/01) : Arrêté du 25 janvier 2013 composition du 1er Conseil de Gestion des artistes auteurs à l’Afdas + Arrêté du 25 janvier 2013 publié au JO composition du 1er Conseil de Gestion à l’Afdas
Remerciements : Nous tenons à remercier chaleureusement Pascal Murgier pour sa gentillesse et sa disponibilité.
Les photos de Pascal Murgier proviennent de la captation de la soirée des 10 ans du Fonds.
Chapitre 2 :
La genèse de la création du Fonds de formation des Artistes Auteurs du point de vue de l’Afdas avec Christiane Bruère-Dawson (Directrice Générale de l’Afdas de 1998 à 2013)
(Vous trouverez un peu plus loin la retranscription complète de l’intervention de Mme Bruère-Dawson durant la table-ronde.)
À partir du moment où l’idée du Fonds de Formation des Artistes Auteurs se concrétise et devient un projet possible et probable, la question se pose de savoir à quel opérateur on va le confier. Très vite, l’idée d’en créer spécialement pour cette population est écartée par le rapport, les deux rapporteurs trouvant qu’il y en a déjà suffisamment.
Ils portent alors leur choix sur deux organismes :
– l’Afdas (Assurance Formation Des Activités du Spectacle), créée en 1972, un an après la loi Delors, en vue d’appliquer la loi du 16 juillet 1971 relative à la formation professionnelle dans les entreprises du spectacle. Son champ d’action s’est progressivement élargi en accueillant d’autres secteurs d’activité : le cinéma, l’audiovisuel et la publicité en 1987, les loisirs en 1990 et les secteurs de la presse écrite, des agences de presse et de l’édition en 2011. (En 2019, suite à la réforme de la formation professionnelle et de l’apprentissage, l’Afdas deviendra l’OPCO (Opérateur de Compétences, organisme qui a remplacé l’OPCA. Désormais, il n’a plus de mission de collecte) des secteurs de la culture, des industries créatives, des médias, de la communication, des télécommunications, du sport, du tourisme, des loisirs et du divertissement.)
– le FIF-PL (Fonds Interprofessionnel de Formation-Professions libérales), FAF (Fonds d’Assurance Formation) créé en 1993, suite à la loi de décembre 1991 ouvrant la formation aux non-salariés, et qui s’occupe des professions libérales à l’exception des médecins (qui ont leur propre FAF). On peut se demander pourquoi un opérateur gérant les professions libérales serait légitime pour gérer des artistes auteurs. Il faut savoir que certaines activités artistiques sont considérées comme des professions libérales (et donc n’entrent pas dans les champs de la MDA ni de l’Agessa) : les arts du spectacle vivant (code NAF : 90.01Z), les activités de soutien au spectacle vivant (code NAF : 90.02Z), la création artistique relevant des arts plastiques (code NAF : 90.03A) et autres créations artistiques (code NAF : 90.03B). En résumé, ce sont des activités pour lesquelles l’artiste-auteur facture ses prestations au lieu d’être rémunéré en droits d’auteur.
Les deux organismes ont donc une certaine expertise dans le domaine créatif, avec chacun des avantages et des inconvénients.
» C’est en 2008 que le Ministère de la culture nous a contactés pour nous dire : » Vous, Afdas, qu’est-ce que vous êtes capables de mettre en œuvre pour accueillir un fonds de formation pour les artistes auteurs ? « . Pour nous, ce n’était que du positif. On venait de recevoir le secteur de l’édition et celui de la presse. Les artistes auteurs ? Bien sûr, on est prêts ! Sauf qu’on n’était pas tout seuls. Le Ministère de la culture et de la communication avait décidé d’en consulter d’autres (OPCO). Quand ils nous ont contactés, il en restait deux en lice : le FIF-PL et l’Afdas. Pour le CA de l’Afdas et moi-même, ça paraissait évident, pour des raisons assez claires.
La première, c’était que le champ d’application de l’Afdas à cette époque relevait presqu’exclusivement du Ministère de la culture et de la communication, comme les artistes auteurs. Cela nous paraissait assez fort comme argument.
L’autre argument que nous avions développé, c’était que nous avions une grande expérience dans l’accueil et le conseil des publics spécifiques, puisque dès sa création en 1972, l’Afdas se substituait aux employeurs pour cette catégorie professionnelle particulière des artistes et techniciens intermittents du spectacle.
Et puis un petit évènement qui nous confortait dans notre volonté (…), c’était que le Conseil Régional d’Ile de France nous avait déjà choisis pour mener une expérience auprès des artistes auteurs de la région avec quelques sociétés d’auteurs.
Fort de ces arguments-là, on a présenté notre construction au Ministère qui l’a rejetée. Notre problème, c’était que nous avions un conseil paritaire employeurs/salariés et qu’aux dernières nouvelles, cela n’existait pas chez les artistes auteurs. C’était un gros problème pour l’Administration, mais pour nous ça n’en était pas un puisque nous avions déjà géré cette difficulté en accueillant l’organisme qui collectait la taxe d’apprentissage (purement employeurs). Le CA de l’Afdas avait accepté qu’il y ait un conseil indépendant ayant recours aux services administratifs de l’Afdas pour gérer cette collecte et cette répartition.
(…) Après de multiples réunions, le Ministère nous a choisis.
Il a retenu des choses très positives pour nous : notre capacité à accompagner les demandeurs qui venaient rechercher des formations. On avait aussi, et ce que n’avait pas le FIF-PL, des antennes régionales. Et les artistes auteurs ne sont pas tous en région parisienne. A l’époque, on en avait sept et chacune avait la capacité d’accueil et de conseil pour les demandeurs de formation.
On avait aussi quelque chose d’important, à savoir la capacité de construire avec les prestataires de formation, des parcours pédagogiques adaptés à des publics particuliers. Et dans le cadre de ces parcours, nous avions aussi mis en œuvre des évaluations de ces formations, gage de respect des critères de qualité des organismes de formation.
Et puis enfin, le Conseil d’Administration s’était engagé à respecter l’autonomie financière du Fonds des Artistes Auteurs, et ça c’était un point très important. En résumé, l’Afdas était le meilleur choix, ce qu’a été obligé de convenir le Ministère de la culture ! »
Selon ce que nous a confié M. Murgier, dans l’esprit des services administratifs, il était évident que le choix devait se porter sur l’Afdas, car c’était l’OPCA du domaine de la Culture. Mais il a particulièrement insisté sur le fait que l’action et la volonté de Mme Bruère-Dawson avaient été déterminantes. Après son départ en retraite, son successeur Thierry Teboul a continué à être un fervent soutien du Fonds et il l’est toujours aujourd’hui. Qu’ils en soient tous les deux remerciés.
Ajoutons pour finir un petit paragraphe sur le montant des cotisations « formation » estimées et réelles :
Dans le rapport Kancel-Butaud, l’estimation annuelle de la collecte des cotisations se montait à 10/11M€ :
(Source : page 3 synthèse du rapport Kancel-Butaud)
La réalité montre que dans les années suivantes, ce calcul était exact :
Bilan Afdas 2013
(Source : Rapport d’activité Afdas 2013 consultable ici)
Bilan Afdas 2014
(Source : Rapport d’activité Afdas 2014 consultable ici)
Et pour comparer : Bilan 2022
(Source : Rapport d’activité Afdas 2022 consultable ici)
Les photos de Mme Bruère-Dawson proviennent de la captation de la soirée des 10 ans du Fonds.